Le plan « France Relance » élaboré par le gouvernement a pour principal objectif de soutenir l’économie et les emplois. Publié le 3 septembre 2020, ce plan couvre une multitude de pans de l’économie à travers différents axes. Ainsi l’élevage et la filière viande sont traités dans différentes parties du plan (« Filières animales : modernisation, sécurité sanitaire et bien-être animal », « Accélérer la transition agro-écologique »). En ce qui concerne plus spécifiquement l’abattage, une enveloppe de 250 millions d’euros a été affectée au volet « Filières animales : modernisation, sécurité sanitaire et bien-être animal », dont 130 millions d’euros seront spécifiquement dédiés la modernisation des abattoirs et aux outils de première transformation. Anticipant ce plan de relance, l’AFAAD avait formulé il y a quelques semaines différentes mesures au Gouvernement afin que les abattoirs ne soient pas oubliés de ce plan. Si nous sommes satisfaits d’avoir été entendus concernant certaines propositions, sa lecture soulève de nombreuses interrogations. Notre analyse.
Abattoirs : que contient le plan de relance ?
Si l’objectif premier du plan est bien de maintenir l’emploi et d’améliorer la compétitivité de la filière, le gouvernement affiche avec ce plan des objectifs complémentaires destinés à faire évoluer les abattoirs :
• Mise aux normes des établissements (sanitaire et protection animale)
• Reconquête de la confiance des consommateurs
• Amélioration des conditions de travail des employés d’abattoir
• Amélioration de l’attractivité des produits français et adaptation de la filière aux exigences des pays tiers
• Soutien aux solutions d’abattage de proximité et aux initiatives coopératives
Le gouvernement annonce par ailleurs une approche régionale de la mise en œuvre du plan, afin d’assurer une meilleure réponse aux problématiques des territoires.
Si nous nous réjouissons de la volonté affichée du gouvernement de soutenir les solutions de proximité et de renforcer la protection animale ainsi que la confiance des consommateurs, nous nous inquiétons de ne pas suffisamment voir les problématiques de protection animale, de traçabilité, et de ne voir soulevée nulle part la question des contrôles vétérinaires et de la formation du personnel.
Le gouvernement fait le choix de l’appel à projets pour mettre en œuvre ce plan de relance. Cette stratégie attentiste ne permettra malheureusement pas de traiter de manière exhaustive tous les besoins de mises aux normes d’abattoirs et favorisera (comme souvent) les grands groupes, disposés à proposer rapidement des projets étayés et à les piloter. Ce biais est d’autant plus important que le calendrier est court (concertation dans les 3 prochains mois) et financement dans les deux prochaines années. Nous sommes en droit de douter également, de par la méthode et les délais, de la capacité du gouvernement à réellement utiliser l’enveloppe prévue de 130 millions d’euros.
En outre, les détails de ce plan de relance ne nous permettent pas de savoir quelle part réelle de l’enveloppe bénéficiera à la mise aux normes des abattoirs et à la protection animale, ni quelle part reviendra aux établissements qui en ont le plus besoin. Pour l’AFAAD, le besoin de modernisation et d’investissement doit se porter prioritairement en direction des petits abattoirs qui souffrent pour beaucoup de difficultés financières et fonctionnelles pour se mettre aux normes. La concentration économique et géographique des outils d’abattage en marche depuis plus de 30 ans a pour première conséquence de faire subir aux animaux des transports de plus en plus longs et de renforcer les établissements les plus industrialisés. Il y a un enjeu d’avenir (attentes des consommateurs : circuit-courts, protection animale, qualité, environnement) à faire passer les abattoirs de proximité à un niveau d’excellence. Pour y parvenir, le soutien direct aux investissements ne peut-être qu’un des leviers. A défaut d’être visibles dans ce plan, nous espérons retrouver les autres mesures (gouvernance, compétences, …) dans la Stratégie Bien-Etre Animal 2021-2025 qui sera bientôt communiquée par le Ministère de l’Agriculture.
En dehors des objectifs affichés, le plan ne donne que quelques exemples de projets de « modernisation » qui pourraient être soutenus. Nous ne préjugeons pas que ce qui n’est pas mentionné ne sera pas à l’ordre du jour mais regrettons toutefois que des mesures urgentes majeures n’y figurent pas.
Moderniser les abattoirs, mais comment ?
Pour l’AFAAD, moderniser les abattoirs c’est avant tout mieux les aménager, renouveler le matériel, faire évoluer certaines pratiques d’abattage extrêmement douloureuses pour les animaux, mieux contrôler et mieux former le personnel.
Cette modernisation de nos outils d’abattage ne pourra pas se faire sans un réel engagement en faveur de la protection animale ce qui implique d’inclure dans ce plan de relance des mesures indispensables dont :
• Une modernisation des équipements et du matériel, depuis l’accueil des animaux et jusqu’à leur mise à mort
• Un renforcement des contrôles de la protection animale (notamment au poste d’abattage) et de la transparence des pratiques :
Favoriser le recrutement de vétérinaires pour assurer pleinement le contrôle du volet protection animale en abattoir. Aujourd’hui on compte environ 2150 agents ce qui est insuffisant pour assurer et les missions sanitaires, et la mission de la protection animale.
Mise en place de système de caméras (notamment au poste d’abattage)
Publication annuelle des rapports d’inspection de la protection animale
Étiquetage du lieu et de la méthode d’abattage pour toutes les viandes et produits carnés
• Améliorer la formation du personnel
La formation « Responsable Protection Animale » (RPA) actuellement délivrée est insuffisante, car très théorique. Il est important d’accompagner cette connaissance théorique de formations pratiques en abattoirs et d’assurer une évaluation régulière des opérateurs.
• Faire évoluer certaines pratiques d’abattage
o L’abattage au dioxyde de carbone pour les cochons. Un rapport publié cet été par l’European Food Safety Authority explique que « La seule façon de prévenir les souffrances liées à l’exposition à des concentrations élevées de CO2 est d’utiliser d’autres mélanges de gaz comme des gaz inertes ou des mélanges de gaz inertes contenant de faibles concentrations de CO2 ».
o Les abattages sans étourdissement, en particulier pour les bovins
o L’abattage des animaux gestants
• Développer des projets de recherches et développement sur les méthodes d’étourdissement, les méthodes de vérification des étourdissements etc.
• Soutenir de meilleures alternatives pour les animaux comme les abattoirs mobiles ou l’abattage à la ferme.
La modernisation c’est aussi repenser les modèles actuels et favoriser des modèles qui placent le respect des animaux au cœur de leurs démarches. D’autant plus que ces abattoirs mobiles peuvent répondre efficacement à la problématique des zones dépourvues d’outils d’abattage. Il est important qu’une partie des sommes de ce plan de relance soit allouée à ces projets.
A noter que concernant l’élevage nous ne pouvons que rejoindre l’analyse de nos confrères du CIWF qui dénoncent également le fou sur la réalité des fonds affectés au bien-être animal en élevage. Plus encore, le CIWF ajoute que : « Pour le gouvernement, le bien-être animal se confond avec la biosécurité et la prévention des maladies » et pointe « Un retour de 10 ans en arrière ».
130 millions pour relever les défis de demain …
Pour conclure, nous estimons que cette dotation de 130 millions d’euros est une extraordinaire opportunité d’adapter les outils aux exigences de la prochaine décennie. Il ne faudrait pas que, par manque de vision et d’exigences, l’on ne fasse que répondre aux attentes des consommateurs d’hier… Un important retard de modernisation persiste dans les abattoirs français, ce plan peut-être une aide précieuse au service de leur évolution et de leur mise à niveau en ce qui concerne le niveau de protection animale. L’AFAAD d’ici 2022 sera très attentive aux progrès réalisés dans la maîtrise de la protection animale dans les abattoirs et poursuivra son travail en ce sens.
Ressources :
Plan de relance : toutes les mesures du plan de relance, Site du Gouvernement, 03/09/2020
Le plan de relance, l’occasion aussi d’améliorer le bien-être animal dans les abattoirs ?, 20 Minutes, 03/09/2020
Plan de relance : comment le gouvernement peut-il «moderniser» les abattoirs ?, Le Figaro, 04/09/2020